L’anosognosie

Lézard assez gros, de l'ordre de 25 cm, sous une pierre
Il y a vraiment un lézard dans l'esprit!
On dit souvent que les personnes schizophrènes ont une anosognosie de leur maladie, qu’ils ne s’en rendent pas compte. Je pense que c’est assez faux…

… du moins que ça ne représente pas toutes les personnes ayant une schizophrénie, même plutôt un minorité après quelques mois où la maladie est installée (c’est ce que j’ai ressenti chez moi et chez des connaissances qui sont, je crois, schizophrènes)

Je vous dit pourquoi je ne racontais pas que je me sentais malade.

Comme je ne racontais pas que je me sentais malade, on aurait pu croire que je ne m’en rendais pas compte, mais non. Je me sentais très malade, que cette maladie risquait de me faire atrocement souffrir jusqu’à la fin de ma vie. J’avais cette peur intense de finir ma vie fou, anxieux, clochard (car moi adulte à cause de cette anxiété, je sais que je ne pourrais pas travailler). Ça créait des espèces de bouffées rapides d’anxiétés (qui duraient une fraction de seconde) qui venaient et partaient puis revenaient et ainsi de suite. Je me mentais à moi même et j’espérais que je n’avais rien de bien grave, que je ne devais pas être anormal. Je ressentais parfois que c’était ridicule que je me sente vraiment malade, profondément ridicule. Je ressentais à ces moments que je n’avais qu’un petit vélo dans la tête et que c’était idiot de me sentir malade. Parfois aussi, comme ces maladies mentales dont j’avais entendu parlé me faisaient très peur, j’essayais de me mentir en me disant que je ne devais pas avoir ça. Pourtant l’évidence de mes souffrances me poussaient à penser que si.

Et puis comme raconté précédemment j’avais peur de partager mon ressenti de peur de passer pour un fou, que cela me colle. Je savais que je ressentirai le regard de la personne à qui je me serais confié juste une seule fois comme profondément dérangeant et jugeant. J’aurais eu peur de passer pour un fou dangereux grave auprès d’elle jusqu’à la fin de ma vie.

On a la forte intuition d’une chose et en même on se rend compte que ça tient pas la route.

Également il faut bien le préciser, le principe de certains délires c’est qu’on est persuadé qu’il y a un truc. On peut avoir conscience que notre raisonnement ne va pas. Mais même en le sachant, on ne peut pas raisonner comme si on avait pas ce problème, ces intuitions. Même si on pense que c’est mal vu, sûrement faux, que la plupart des gens ne l’ont pas. Les réflexes de raisonnement se basent sur le fait que notre intuition est vraie, même si la raison pousse à corriger ces raisonnements après les avoir eu. Parfois on peut changer un peu notre intuition, notre ressenti primaire, par exemple le lion dans la cage ne nous fait pas peur car nous arrivons à contextualiser. Mais cela a une limite et on ne peut pas tordre tout ce qu’on ressent pour ne pas le ressentir, même si on a conscience que cela est déconnant. Par exemple si vous ressentez de l’hostilité de la part de personne qui vous agresse à répétition, vous ne pourrez pas ne pas ressentir d’hostilité. Pour les intuitions parano ou les idées bizarres, c’est pareil, sauf que suivant le contexte, on peut se rendre compte ça colle pas.

Si le délire est que d’autres personnes peuvent nous persécuter ou nous trouver fou. On peut se rendre compte que ça nous rend stressé et qu’on ne pourra pas continuer toute sa vie ainsi. Aussi que les autres ou soit-même avant d’être malade n’ont pas de telles idées. Mais si on croise la personne dont on imagine qu’elle nous veut du mal ou nous trouve fou, on aura mécaniquement tendance à ressentir sa présence comme hostile, impossible de faire autrement. Même si on sait qu’on déconne et qu’il ne faut pas lui faire de mal.

Comme ces idées sont anormales, nous font souffrir et qu’on peut redouter qu’elles nous pousser à être méchant, alors tout ça peut pousser à ne pas vouloir avoir ces idées et intuitions ressenties comme parasites. C’est alors qu’on peut essayer de ne pas les avoir, mais c’est impossible, cela ne part pas malgré la bonne volonté (sauf avec le traitement).

Avoir l’espoir que ça va s’arranger

On peut être amené à espérer, à croire qu’il y a bien un moyen pour résoudre cela, en résolvant ce qu’on estime être responsable de son mal être, par exemple en déménageant (ça s’appelle un déménagement pathologique) dans un meilleur endroit, en ayant une petite copine qu’on aime et avec qui on pourra partager son ressenti, en fuyant certaines personnes qu’on estime néfastes, etc. .
C’est quand on se rend compte que c’est impossible, après un certain vécu, qu’on comprend que c’est dans notre esprit que ça cloche…

… qu’on est amené à aller voir un psychiatre. Je pense qu’une bonne partie des gens peuvent se rendent compte qu’ils n’étaient pas comme avant le début de la maladie et vont alors consulter, étant encore en confiance avec le corps médical. Mais moi, j’ai toujours été malade, et j’avais peur de consulter en pensant que c’était une maladie très grave et que je risquais d’être enfermé. Je n’avais pas d’ami assez intime pour en parler et que je sois guidé.

Par exemple, au début où on est malade, si on imagine que quelqu’un nous veut du mal on pourra penser que c’est réel, en effet, dans le passé, quand on était pas malade, notre esprit nous a jamais trahi. Quand on redoutait que quelqu’un nous embête c’était souvent bien réel. Du coup on peut penser que c’est bien justifié cette fois aussi, leur cerveau n’a jamais déconné, il n’y a pas de raison qu’il déconne aujourd’hui. C’est je pense pourquoi, peut être certaines personnes n’ont pas d’aspect critique au début de leur maladie.

Un cours de psychiatrie sur l’anosognosie.

A moins que je me trompe, et que beaucoup de patients schizophrènes ne réalisent vraiment pas être malade, sinon ils restent encore nombreux soignants à ne pas comprendre que les patients ont conscience de leur trouble.

Je vous l’assure avec mes connaissances: il est impossible de savoir que, je cite “Le refus de reconnaître être atteint d’un trouble mental grave est lié à des dommages au cerveau, plus spécifiquement le lobe frontal et non au déni ou à l’entêtement.” comme le dit ce document… en fait en lisant plus en détail ce document, il semble mettre en évidence que certains patients auraient une vraie anosognosie, et d’autres un déni.

En toute rigueur, il est impossible de savoir ce qu’il se passe dans le cerveau d’une personne (il n’y a pas encore de technique permettant cela). Donc on ne peut pas savoir à coup sûr si il s’agit de ne pas avoir conscience du tout de la maladie ou non (de l’anosognosie). Par contre il me semble rigoureux que ces médecins trouvent deux groupes de patients dans la schizophrénie. D’après ces médecins, il y a ceux ayant un déni comme moi et ceux semblant avoir une anosognosie. Je suppose que ces médecins travaillant à l’hôpital voient des cas plus extrêmes dans le sens où ce sont des patients qui ont besoin d’hospitalisation parfois. Par conséquent, je pense que les 60% d’anosognosies (ou de supposées anosognosies) décrit que les patients en hôpital et non tout les patients schizophrènes où ce taux est peut être bien plus faible. Effectivement si les patients témoignent de ne pas se sentir malade malgré le traitement, en l’affirmant franchement, j’avoue qu’on peut penser qu’il y a réellement une anosognosie pour ces patients. Egalement chez ces patients ils ne remettrait pas en question leur délire même si on leur explique qu’il ne tient pas la route. Cependant il faut comprendre que ce n’est pas le cas de tout les patients.

Mon vécu dans cette peur intense d’être malade et condamné

Moi j’avais entendu dans quelques émissions à la télévision ce qu’était la schizophrénie, ça m’a énormément inquiété. Bien que je n’avais pas d’hallucinations ou très minimes, je me suis reconnu dans la descriptions. Le fait que leur vie semblait fichue, m’a fait une peur inimaginable.

photo de la tour eiffel prise d'un escalier du trocadéro
Projets mégalos, objectifs fous! Oui j'étais beaucoup mégalo et supportais mal d'avoir un petit destin 🙁

En fait je ne me projetais pas dans le futur, sinon dans un futur utopique beau et radieux où par miracle j’irai bien, je pourrais travailler, et je serai performant. Je revais d’être médecin, président de la république, écrivains, physicien, c’est à dire performant comme je m’imaginais que les gens devaient me percevoir. Mais je savais au fond que c’était utopique.

Le mal-être, l’angoisse que j’avais, m’empêchait de m’imaginer dans le futur, je gardais un espoir. Étant donné qu’à première vue mon anxiété, ma parano et tout mes symptômes continueraient à être là car ils ont été là depuis mes 3 ans.

Je n’osais imaginer les années à venir, je n’osais me dire quand je serais adulte, j’aurai une voiture et un travail et je serai heureux. Je ne supportais pas avoir un destin normal, pas extraordinaire. Si j’avais été honnête avec moi, ne sachant pas qu’il existe des médicaments, j’aurais dû comprendre que je finirai ma vie dans un hôpital psychiatrique rongé par l’inquiétude. L’inquiétude sociale intense, la peur de paraître bizarre à chaque parole que j’adresse dans une conversation, la peur du moindre effort. Tout ça m’épuisant psychiquement énormément avec les phobies d’impulsion augmentant, je ne pouvais tenir.

Si j’avais eu un travail, une voiture, un logement, j’aurai eu les angoisses à la manière de Tanguy de le film, mais en carrément pire, et car seule la présence de mes parent me rassurait vraiment. Tout le reste ne faisait que me rajouter des angoisses, alors j’avais peur de grandir et quitter chez moi.

Comme je redoutais de finir dans un hôpital psychiatrique si je parlais de mes soucis à un médecin, je n’avais alors aucune issue à part continuer comme les gens voulaient que je continue et comme mes parents voulaient: aller à l’école et à la fac… mais après?

Le peur d’être dévoilé restait toujours un peu présente malgré le traitement

J’avais également après le début de mes traitements encore peur de témoigner de mes pensées de tout les jours. Je me disais que certains de mes ressentis étaient uniquement présents dans la schizophrénies. Du coup que si je témoignais d’une impression que j’ai eu,je redoutais qu’on comprenne que j’étais schizophrène d’autant plus que mes connaissances étaient surtout des étudiants en médecine…

…du coup je partageais pas trop mes ressentis (pourtant souvent ces idées pouvaient arriver aussi chez les personnes non schizophrènes) et je m’isolais donc 🙁

La vexation de passer pour un fou parano insensé.

Un autre phénomène qui m’est arrivé souvent et qui pousse les personnes a ne pas avouer qu’elles comprennent qu’elles sont anormalement parano est le suivant:…

Lorsque j’avais une idée parano sur un sujet, par exemple l’impression que des gens issus de lobby vont prendre petit à petit le pouvoir de l’état, et alors qu’on ne me croyait pas, je pouvais paraître franchement agacé parce que je sentais que les personnes à qui je parlais pouvaient me prendre pour un idiot, une personne parano qui s’imagine absolument n’importe quoi. Je me disais que ma parole paraissait être celle d’un fou pas fiable qu’il faut mieux pas écouter et que, quoi que je fasse, je ne les persuaderai pas. Donc je n’osais avouer que quelque part je me sentais quand même trop parano de peur de passer pour un idiot qui a tort et à qui on dise: “et bien vous voyez il raconte n’importe quoi puisque lui même avoue qu’il est parano!” Le jugement de passer pour un idiot et la peur d’un scénario où l’on me croit jamais quoique je fasse m’énervait et me poussait à ne pas avouer que j’étais trop parano.

Pour résoudre un peu ce genre de problèmes avec un patient, il faut lui dire qu’on veut bien le croire, mais qu’il faut avouer qu’il est trop inquiet et énervé, que ça n’est pas grave qu’il soit énervé et trop inquiet mais que c’est un peu fatiguant pour lui, même si il peut avoir raison sur certains points, et donc qu’on va essayer de mieux le soigner.

… D’ailleurs, aujourd’hui où je suis moins parano, je pense toujours qu’il est possible que des lobby tentent de prendre un peu le pouvoir, même si ça n’est pas sûr non plus. Il y a des éléments qui vont dans ce sens au états unis et on peut le voir de le film vice par exemple.

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